Une horloge entre Meissen et Paris

"Cette pendule de Saxe, qui retarde et sonne 13 heures parmi ses fleurs et ses dieux, à qui a-t-elle été ?" : telle était la question obsédante que se posait Stéphane Mallarmé face à sa chère horloge, qu'il adorait et avait mise en vers dans son poème "Frissons d'hiver". La nôtre, tout aussi séduisante, avait trouvé des admirateurs à l'Hôtel des Ventes de Compiègne, le samedi 11 mars, et remportait l'enchère de 48980 euros, multipliant par cinq son estimation. Il faut avouer qu'il s'agissait d'un bel exemple du talent des créateurs d'objets décoratifs au temps de Louis XV, qui mêlaient avec bonheur des éléments d'origines variées pour un résultat optimal. Jouant sur le contraste entre le bronze doré et les porcelaines polychromes, ils ont laissé quantité de pendules dans le plus pur style rocaille. Ainsi, sous l'impulsion des marchands-merciers parisiens comme Lazare-Duvaux, ces artisans du luxe justaposent figurines en porcelaine dure de Chine ou de Saxe, et fleurs en porcelaine tendre de Vincennes, Sèvres ou Chantilly, mariées à une monture en bronze doré de Paris. Si, le plus souvent, un ou deux personnages agrémentent la pièce, on peut arriver à des ensembles de plusieurs participants comme l'exceptionnelle pendule à orgues appelée le "Concert des Singes" conservée au musée du Petit Palais. Ici, le spectacle est assuré par un groupe de la manufacture de Meissen représentant Pantalon et Colombine, de la commedia dell'arte, souvent représentés par les modeleurs saxons, le grand Johann Joachim Kändler (1706-1775) en tête. Deux enfants déguisés en arlequin encadrent la scène, alors qu'un putto perché sur le cadran déguste un fruit. Comme la délicate floraison, le cadran et le mouvement sont, eux, bien français : on les doit à "Benoist Gérard à Paris".
48980 euros